L'économie circulaire : comment s'y prendre et c'est pour quand ?
- Publié le 03/03/2021
- Derrnière mise à jour le 20/05/2021
Dans ce Parole de Financier, j'ai le plaisir d'interviewer Emmanuel Mossay, Expert en économie Circulaire. Après avoir rappelé ce qu'était l'économie circulaire, ,nous verrons comment y prendre part en tant qu'entreprise ou particulier ?
L'intégralité de l'interview d'Emmanuel Mossay sur l'économie circulaire en vidéo
Bonjour Emmanuel Mossay. Vous êtes expert en économie circulaire et également co-auteur du livre « Shifting Economy » ? Pourriez-vous nous dire en quelques mots ce qu’est l’économie circulaire
L’économie circulaire pour faire très simple, ce sont des modèles économiques qui visent à optimiser l’utilisation des ressources et à prolonger la durée de vie des objets et des ressources dans le système économique. Donc tout ce qui permet de prolonger la durée de vie d’un objet, d’un produit, d’une ressource c’est de l’économie circulaire avec plusieurs degrés de performance et de granularité. Il existe d’ailleurs une échelle qui s’appelle l’échelle de Lancing dont vous avez peut-être déjà entendu parler. C’est l’échelle avec les trois grands R :
- Repenser
- Réutiliser
- Recycler
Il y a différentes strates dans cette échelle et dés qu’on peut appliquer un critère alors on est dans l’économie circulaire.
En effet on parle beaucoup, plutôt que de racheter, de réparer. On pourrait donc rajouter un R. Par rapport à cette période de pandémie, cette fameuse transition a-t-elle été renforcée ou déforcée ?
Je pense que tous les acteurs qui avaient démarré un projet de transition avant le Covid ont connu une accélération. Du moins c’est le cas pour une bonne partie des acteurs que je connais. En effet les gens se sont posés des questions. Souvenez-vous, il y a un an au mois de mars 2020, notre économie s’est arrêtée et finalement on s’est retourné vers les acteurs de notre économie locale, de l’économie régénérative, des entrepreneurs qui étaient occupé à produire de façon très « agile » des masques et toute une série d’équipements. J’ai également eu l’occasion de contribuer à ce mouvement avec différents partenaires et donc pour moi l’économie de la transition, qui est une économie qui vise à contribuer au bien commun, de contribuer à une économie plus juste pour les humains et plus respectueuse de la planète, elle s’est renforcée avec la crise du Covid. On a bien vu les limites du système, on a bien vu que les grandes multinationales n’étaient pas vraiment au rendez-vous. Et qu’au contraire au début de la crise, cela a été assez compliqué. Les échanges internationaux se sont arrêtés. Donc l’économie de la transition qui est avant tout locale ou trans-locale c’est-à-dire le fait de créer des collaborations entre différentes localités , différentes villes et villages qui interagissent ensemble comme pour le partage des connaissance notamment.
Quand on parle d’économie de la transition, quels sont les grands modèles ?
Les grands modèles, il doit y en avoir une cinquantaine, vous les retrouverez d’ailleurs dans mon livre « Shifting Economy » qui est est disponible à titre gracieux online. Parmi les grands modèles et les plus connus :
1. il y a bien sûr l’économie circulaire dont je viens de parler à l’instant.
2. Il y a évidemment l’économie de la fonctionnalité qui elle vise à implémenter l’économie circulaire mais plutôt que d’être propriétaire d’objet, le but est d’utiliser une fonction, de répondre à un besoin en partageant des objets ou des moyens qui permettent de réaliser cette fonction. Et donc on passe dans un mode beaucoup plus collaboratif

3. Le troisième modèle, c’est réellement l’économie collaborative que l’on appelle également l’économie du « pair à pair » (sic Peer to peer).
En complément de ces trois modèles bien connus, il y a également trois caractéristiques qui sont en train de se développer :
La relocalisation de l’économie et surtout de façon locale
L’aspect contributif ou régénératif c’est-à-dire le faire de contribuer à des objectifs avec impact concret que ce soit au niveau social ou environnemental et donc de regénérer les ressources et de pouvoir inverser les courbes, d’épuisement des ressources naturelles par exemple
Le troisième élément qui est un peu moins connu mais qui se développe depuis le début de la crise, c’est l’hybridation des chaînes de valeur. Le principe est simple et consiste à revoir une chaîne de valeur logistique et d’intégrer dans cette chaîne des acteurs complémentaires comme une entreprise de travail adapté qui travaille avec des personnes handicapées, une coopérative qui va par exemple gérer toute la partie du transport avec des cargo bikes. Une société anonyme qui dispose de tout un réseau de distribution. Et donc de voir comment ces acteurs vont se compléter tant d’un point de vue opérationnel, en terme de valeur ajoutée et bien sûr aussi
Pour qu’on y voit plus clair, pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets de projets de transition qui peuvent être inspirant pour d’autres personnes ?
Il y a plein de choses qui sont en train de se passer mais j’ai envie d’en citer au moins deux :
Le premier exemple que j’adore c’est « Dégage » qui est en fait un collectif de 3000 citoyens à Gand qui mutualisent à la fois des véhicules comme des voitures, des camionnettes, des cargo bikes, des vélos, etc. Ce collectif permet d’avoir plein d’impact super positifs. Le premier c’est qu’il va réduire l’utilisation de ressources naturelles, l’extraction de ressources et d’énergie grises pour produire tous ces véhicules car au lieu d’avoir 3000 véhicules, ils en ont 250-300 qui sont partagés. Le deuxième élément c’est l’impact au niveau de la consommation qui est beaucoup plus bas car ils arrivent à optimiser les choses et avoir des véhicules qui sont beaucoup plus performants au niveau énergétique. Ensuite, ils utilisent moins d’espace au sol avec près de 2500 espaces au sol, les emplacements de parking qui sont libérés car il y a moins de véhicule. Il y a aussi un impact au niveau financier puisque ces ménages réduisent leur budget mobilité de 80% ! Tout en ayant toujours accès à des véhicules, des voitures, des camionnettes, accès à une grande diversité de véhicule quand ils en ont besoin. Il y a réellement un taux optimal d’utilisation des véhicules.
C’est vraiment super car ils peuvent changer de véhicules en fonction de leur besoin. Aujourd’hui j’ai besoin d’un petit véhicule, demain d’un grand.
Oui ils peuvent combiner avec plein de types de véhicules, cargo bike, trotinette, … il faut aller voir sur leur site, c’est bien foutu. Un autre avantage c’est qu’il n’y a pas d’effet rebond c’est-à-dire que l’économie qui est faite par ces ménages n’est pas utilisée par ailleurs pour faire un vol last minute. Il y a fondamentalement toute une cohérence qui est mise en place. Cela fonctionne assez bien, depuis 20 ans maintenant ! Et des communs comme celui-là, il y en a 500 à Gand. Il ya donc moyen de vivre toutes les fonctions vitales d’une ville tel que l’éducation, la mobilité, l’éducation ou le logement, la culture, etc de façon alternative à Gand. Il y a moyen de l’expérimenter autrement.
Un autre exemple que j’aime beaucoup aussi. C’est un exemple en Finlande dans la ville de Latti où les citoyens participent à une grande expérience en mesurant leur consommation de CO2 par rapport à une limite théorique bio capacitaire. La consommation individuelle est donc mesurée et toutes les personnes qui épargnent du CO2 par mois peuvent les convertir en monnaie locale pour pouvoir acheter des produits locaux régénératifs auprès de producteurs locaux. On n’est pas dans un système de sanction mais au contraire dans un système d’incentive qui encourage les gens de façon positive.
C’est une bonne idée mais pour cette transition quel est le rôle de l’état ? Et que peuvent faire les entreprises ? Y a-t-il un schéma à suivre ?
L’Etat a surtout un rôle de facilitateur et puis d’encadrer ce qu’il faut encadrer.
Est-ce qu’il joue ce rôle ?
Dans le cas de Gand, si vous allez voir sur le site de la « peer to peer foundation » vous verrez que des protocoles ont été développé pour pouvoir gérer la relation entre l’Etat en l’occurrence la Ville de Gand, les communs = les collectifs citoyens avec différentes structures juridiques et les entreprises. Le but c’est que chacun s’y retrouve. L’Etat n’est pas trop présent, il n’est pas là pour contrôler mais au contraire pour faciliter ou pour donner des garanties, pour essayer parfois de faire évoluer les règles qui sont contraignantes ou inadaptées pour l’économie circulaire ou bien pour ce genre de projet. Et aussi de rassurer les entreprises et les investisseurs. Et donc finalement chacun se retrouve dans une dynamique intéressante et qui se renforce.

Demain j’ai envie de commencer à aider dans ce genre de schéma, que puis-je faire concrètement ?
Le mieux c’est de commencer à l’échelle très locale c’est-à-dire dans votre quartier et je vais prendre un exemple concret où ma compagne et moi sommes actifs dans un groupement d’achat solidaire avec une productrice, agricultrice. On lui commande nos légumes et tous les samedis on va chercher nos légumes dans un point central où tous les légumes arrivent et où on va gérer les légumes en les répartissant entre voisins. On est 25 -30 personnes dans ce groupement. Ce qui est génial c’est que :
1° on a accès à des légumes de qualité, bio à un prix tout à fait raisonnable car on est en contact direct avec la productrice
2° On la soutient, c’est-à-dire que si demain il y a une crise financière on continuera à lui acheter des légumes en direct. On a un lien direct avec elle, on sait comment elle travaille, on a confiance en elle et donc elle aussi a moins de pression sur son activité commerciale. Elle peut être dans les champs et réaliser sa vie plutôt que d’être stressée par les ventes car elle a la garantie 6 mois à l’avance et le préfinancement que nous allons lui acheter des produits.
3° Ce qui est aussi génial, c’est que ce collectif nous permet de nous réunir tous les samedis pendant une heure entre voisins pour s’échanger les légumes etc et cela nous donne l’occasion de discuter de projets complémentaires. Là pour l’instant on vient de mettre en place un projet pour une autre mobilité dans le quartier, un projet pour trouver des espaces pour les vélos même d’aménagement au niveau des espaces verts. Ce lieu permet donc de faire émerger des projets que nous n’aurions pas pu faire émerger si ce lieu n’avait pas été là. Je pense donc qu’il faut commencer par des petites choses comme celle-là dans son quartier.
Existe-t-il des sites internet où l’on peut voir tous ces projets collaboratifs que je pourrais par exemple retrouver dans mon quartier ? Comment puis-je donc mieux me renseigner hormis le fait de parler avec mes voisins ?
Malheureusement pour l’instant c’est encore fort fragmenté. Il existe un site, Gaza.be pour les groupements d’achat solidaires. Il existe aussi un site qui regroupe les différents « communs » dans la ville de Bruxelles ou dans la ville de Gand. Aujourd’hui il n’existe pas un site pour l’économie de transition mais par contre vous me donnez une excellente idée à partager dans le cadre de mon travail à savoir comment on pourrait mieux visibiliser et fédérer ces initiatives et inspirer les personnes et donc les relier.